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Covid 19 et festivals : mesures sanitaires oui, montagnes de déchets, non !

La crise sanitaire liée à la Covid 19 a fait exploser l’utilisation de certains objets jetables : masques, gants et lingettes à usage unique font aujourd’hui partie de notre quotidien.
A l’heure où les festivals commencent à préparer leurs prochaines éditions, il est essentiel de s’interroger sur le recours systématique à de tels objets, susceptibles de gâcher les efforts faits depuis quelques années en termes de réduction des déchets sur les événements et d’envisager des solutions qui allient sécurité sanitaire et éco-responsabilité.

Alors que l’horizon reste encore flou pour les organisateur·rices d’évènements, les préparatifs des premiers festivals du printemps se doivent d’avancer malgré tout. 

Pour maximiser les chances de validation auprès de la préfecture, des dossiers sanitaires de plus en plus complets sont élaborés : jauge réduite, protocole sanitaire poussé et bien souvent, retour du jetable à gogo pour faire disparaître les objets contaminés à la poubelle.

Si à première vue cette réflexion pourrait sembler pragmatique voire logique, elle est en réalité aussi bien catastrophique qu’évitable.

En effet, le recours au tout jetable serait un retour en arrière générant des tonnes de déchets à l’échelle d’une simple région comme la Bretagne. Gobelets, vaisselle, masques, lingettes, gants… des milliers d’objets parfois tout juste révolus feraient leur grand retour… dans ces mêmes lieux qui ont permis la démocratisation d’alternatives !

Notons par ailleurs que le jetable n’éradique pas le virus mais le déplace : les objets contaminés se retrouvent alors dans une poubelle susceptible d’être sur-triée par un·e bénévole, puis sur une chaîne de tri…

Remplacer le réutilisable par le jetable n’est ni obligatoire ni souhaitable. Pour rappel tous les objets jetables (même ceux compostables) entrainent de fait du gaspillage : extraction des ressources, phase de production, transport, fin de vie, etc. Toutes ces étapes émettent du CO2 et consomment des ressources pour un objet qui servira quelques minutes et finira rapidement à la poubelle.   

Pour autant, pour espérer rouvrir, les festivals doivent être des lieux irréprochables d’un point de vue sanitaire en limitant tout vecteur de contamination.

Cette question est d’autant plus pertinente que l’enjeu est là pour durer. En effet, la gestion du risque se fait souvent sur un temps long : même si la COVID venait à disparaitre prochainement, les mesures sanitaires vont très certainement laisser des traces avec des habitudes (voire des réglementations) qui vont s’inscrire dans le temps.

Face à ce constat, quelles solutions s’offrent aux organisateur·rices pour éviter une production massive de déchets tout en réduisant le risque de diffusion du virus ? Tour d’horizon des différents besoins et des solutions éco-responsables correspondantes.

Il s’agit certainement de l’objet le plus manipulé par le public. Pour réduire le nombre de manipulations et d’interfaces staff-public, il est possible d’utiliser des gobelets réutilisables en « usage unique » : lors du retour d’un gobelet, il est directement intégré au circuit de lavage via un récipient dédié sans que le serveur n’ait besoin de le toucher[1]. Dans le cas d’une nouvelle commande, un nouveau gobelet est utilisé, sans qu’aucun re-remplissage ne soit effectué. Pour éviter d’être en flux tendu et risquer de manquer de gobelet, certains festivals devront prévoir des gobelets supplémentaires. Avant d’acheter, pensez d’abord à emprunter aux structures de votre territoire !

Le port du masque est obligatoire dans les ERP sauf dispositions particulières prévues par le décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020. Cependant, les masques lavables sont toujours autorisés à condition qu’ils soient de catégorie 1[2], ce qui signifie que leur capacité de filtration est supérieure à 90%. Il est important de demander aux équipes et au public de venir avec suffisamment de masques lavables pour tenir toute la durée de l’évènement. Il est également possible de prévoir des masques lavables de catégorie 1 à la vente à prix coûtant pour les personnes non équipées. Dans l’idéal pour le staff, prévoir une solution de lavage sur site : un cycle à 60°C (pendant plus de 30mn) permet de tuer le virus même niché dans le textile[3]. En cas d’absence de raccordement, une solution alternative consiste à prévoir un lavage en marmites (par exemple chaque soir après le repas) jusqu’à frémissement de l’eau (indiquant qu’elle a atteint 90°C) avec une lessive ordinaire. Prévoir une zone de séchage.

Il est par ailleurs important d’adapter les consignes de tri pour les masques à usage unique. Des filières privées de recyclage se structurent (LemonTri, TerraCycle) mais mis à part ces solutions payantes, les masques doivent être jetés avec les ordures résiduelles.

Elles permettent de désinfecter les différentes surfaces et objets via un produit actif sur la COVID. Cependant, pour des raisons environnementales évidentes, il est préférable d’éviter des lingettes jetables. Aucun texte n’interdisant l’usage de tissu réutilisable, des tissus lavables propres peuvent tout à fait être utilisés à conditions d’être régulièrement lavés en machine à 60°C[4] (cycle et détergent normal) et d’éviter les croisements entre propre et sale. Pour éviter un achat, il est par exemple possible de se rapprocher de la blanchisserie d’un hôpital pour récupérer les draps propres en fin de vie qui y sont régulièrement jetés. Si aucune solution de lavage n’est envisageable sur site, prévoir un nombre suffisant de lavettes et les stocker dans des sacs fermés en attendant de les laver.

Allié indispensable contre la COVID, il permet lorsqu’il est dilué avec de l’eau de tuer le virus en détériorant sa membrane lipidique. Il est préférable de favoriser l’accès à un point d’eau + savon (solide ou liquide) plutôt que de mettre à disposition de la solution hydroalcoolique[5] (qui doit contenir au moins 60 % d’alcool selon la norme NF EN 14 476 + A2[6]). Cette première solution permet également de réduire la consommation d’emballages et donc la production de déchets. Privilégier les savons labellisés et en vrac.

Porter des gants dans les postes qui n’en nécessitent pas habituellement n’est pas conseillé. En effet, « les gants peuvent représenter un facteur de transmission manuportée en cas de port prolongé non adapté »[7] . Les gants à usage unique ne sont pas recyclables dans les filières de traitement classiques. L’entreprise Terra Cycle propose une solution (payante) pour les recycler.

Les normes d’hygiènes exigées habituellement sont toujours applicables dans le contexte sanitaire actuel. De la vaisselle lavable peut donc être utilisée à condition d’être « lavée à l’eau chaude 82°C ou, additionnée d’un produit autorisé, rincée à l’eau potable courante et séchée à l’abri de toute contamination. Elle [doit] ensuite [être] entreposée dans des placards ou armoires fermés ou, à défaut, sur des tables et dans ce cas, recouverte d’un linge propre. »[8]

Les gourdes favorisent l’usage individuel du contenant (à condition d’être marquées) et permettent d’éviter l’usage de bouteilles jetables qui peuvent être confondues. Pour rappel depuis le 1er janvier 2021 « est interdite la distribution gratuite de bouteilles en plastique contenant des boissons dans les établissements recevant du public et dans les locaux à usage professionnel »[9]. De la même façon, « sont interdites les clauses contractuelles imposant la fourniture ou l’utilisation de bouteilles en plastique à usage unique dans le cadre d’évènements festifs, culturels ou sportifs »[10].

Privilégier les produits détergents-désinfectants respectant la norme EN 14 476 conditionnés en gros contenants pour limiter les emballages. Pour réduire davantage la production de déchets, il est également possible de faire son propre désinfectant (applicable sur une surface propre) en utilisant de l’eau de javel diluée[11] (et en respectant scrupuleusement les précautions d’emploi) :
– 250 ml d’eau de Javel à 9,6 % dans 750 ml d’eau froide (pour obtenir un mélange à 2,6 %) + 4 litres d’eau froide
– ou 250 ml d’eau de Javel à 4,8 % dans 750 ml d’eau froide (pour obtenir un mélange à 1,3 %) + 1,5 litre d’eau froide

Les alternatives au jetable sont donc toujours possibles malgré les contraintes sanitaires. Elles permettent de limiter les déchets, de faire des économies substantielles tout en sensibilisant le public aux mesures sanitaires éco-responsables.  

A chaque fois que la question se pose, il est important de ne pas tomber dans un excès de prudence qui pourrait se traduire par une augmentation de la production de déchet. Vérifier plutôt ce que dit précisément la loi pour s’assurer qu’il est possible d’opter pour la solution la moins impactante sur l’environnement.


[1] Le ou la consommateur·rice montre le nombre de gobelets à déconsigner avant de les jeter dans le récipient de collecte situé côté bar. La personne responsable du lavage collecte régulièrement les gobelets sales afin de les intégrer au circuit de lavage. Elle doit veiller à se laver régulièrement les mains et à éviter de toucher d’autres surfaces.

[2] Protocole National pour assurer la santé et la sécurité des salariés face à l’épidémie de COVID-19, 16 février 2021

[3] Coronavirus et produits chimiques : comment faire bon ménage ? ARS Nouvelle Aquitaine

[4] Risque Infectieux en EMS Actualité Covid-19 MAJ 26 mars 2020

[5] Comment se laver les mains ?, Santé Publique France, mars 2020

[6] Avis du Haut Conseil de la Santé Publique du 24/04/2020

[7] Ibid

[8] Extrait relevé dans le Règlement Sanitaire Départemental d’Ile-et-Vilaine. Pour plus d’information, se référer au PSD local.

[9] Article 28 – Loi n°2018-938 du 30 octobre 2018 (EGAlim)

[10] Ibid

[11] Avis du Haut Conseil de la Santé Publique du 24/04/2020