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[CR] Festival éphémère, ville utopique

Un rencontre organisée par le Collectif des festivals et Le SE/cW[1] dans le cadre du festival Panoramas.
Vendredi 7 avril 2017 après-midi, Locaux de Morlaix Communauté

Plusieurs intervenants pour cette rencontre :
Nicolas Duverger, architecte, directeur du CAUE Finistère
Philippe Lacroix, scénographe, Ecole d’architecture de Nantes
Claude Guinard, directeur des Tombées de la Nuit
Jean-Luc Fichet, président de Morlaix Communauté
Françoise Raoult, Vice-présidente à la Culture de Morlaix Communauté
Agnès Le Brun, maire de Morlaix
Eddy Pierres, directeur du festival Panoramas
Thierry Seguin, directeur du Théâtre de l’Entresort et membre du SE/cW, Morlaix

Avec un médiateur : Olivier Clech, journaliste à Tébéo.
21 participants.

Et si un festival était un condensé du vivre ensemble ? Une ville éphémère, rêvée… Une utopie partagée sur un territoire ?

Les festivals expérimentent depuis déjà de nombreuses années de nouvelles façons de produire, de construire, de penser. Ce sont des lieux d’innovations, des lieux qui défrichent, nous en avons témoigné souvent autour du développement durable. Ce sont également des lieux qui investissent le territoire et l’espace. Le festival permet de développer une architecture éphémère expérimentale et de construire une autre ville. Cette question de l’architecture et de l’urbanisme a d’ailleurs irriguée l’ensemble de la programmation du festival Panoramas avec notamment une battle d’architecture, les quartiers imaginaires…

C’est autour de ce thème que nous avons conviés plusieurs intervenants, pour échanger et partager leurs idées avec les acteurs du territoire de Morlaix.

Nicolas Duverger, Philippe Lacroix et Claude Guinard ont apporté des réflexions complémentaires et fécondes. « Ce que l’on a entendu c’est le récit, l’imaginaire qui construit la ville, aujourd’hui il faut remettre de l’imaginaire un peu partout et notamment dans la pensée de la ville » a ainsi conclu Thierry Seguin.

Nicolas Duverger, directeur du CAUE Finistère (une association départementale de service public qui conseille sur l’architecture et l’urbanisme), a apporté son point de vue d’architecte sur les interactions entre le temps de la fête et les lieux dans la ville. Ou comment un festival peut révéler de nouveaux lieux, et peut permettre de modifier notre regard sur des espaces et des histoires.

Et l’on se rend compte ainsi que les liens entre le festival et la ville sont multiples :

  • Déplacements et mobilité : un flux massif de population durant le festival et une interaction entre le dedans (le festival) et le dehors (la ville).
  • Attractivité du territoire : le festival permet de communiquer sur le territoire, sur la ville.
  • Politique urbaine : le festival peut influer pour transfigurer les lieux / les espaces.
  • Responsabilité sociale : faire cohabiter le temps de la fête et la vie des habitants.
  • Responsabilité écologique : ne pas impacter écologiquement les lieux.
  • Gestion des nécessités : sanitaires, hébergements…
  • Gouvernance et démocratie participative : comment sont prises les décisions.
  • Liberté et innovation : s’affranchir des règles, l’espace peut convoquer différents usages nouveaux !

 

Philippe Lacroix est enseignant-chercheur à l’école d’Architecture de Nantes et scénographe. Une idée traverse son parcours professionnel : être auteur (faire, produire) plutôt qu’être acteur. Il associe continuellement pratique, expérimentation et réflexion, il enseigne la scénographie tout en la pratiquant… une vraie pédagogie expérientielle.

De sa rencontre avec un metteur en scène de Bogotá en Colombie, et avec une équipe pluridisciplinaire, il a inventé un lieu de formation (une école pour techniciens du spectacle vivant) dans un « no man’s land », une ancienne gare ferroviaire désaffectée, interrogeant sans cesse l’espace, le lieu et l’objet. Le territoire s’est ainsi vu colonisé par l’activité de cette école participant au « processus de rénovation urbaine et de réhabilitation d’une zone très délaissée de la ville de Bogotá ».

Le projet qui se concrétise alors est un mélange de formation, d’enseignement, de présence artistique et de vie sociale. Ce projet social est au cœur des attentions et le site urbain en est le moteur. La présentation de ce travail, sur plusieurs années, nous a interrogés sur la façon dont on vit la ville et on se sent utile à la ville. Espérant que la ville puisse être poreuse, comme un festival, en écriture permanente.

Claude Guinard est directeur des Tombées de la Nuit depuis 2003, il a par avant travaillé au TNB (Théâtre national de Bretagne) et au théâtre de L’Aire Libre (à Saint-Jacques-de-la-Lande). Participer à la production d’un festival éphémère, d’une ville utopique et en transformation, c’est son quotidien. Une motivation depuis toujours : aller dehors, dans l’espace public. Pour lui, être éphémère, c’est la possibilité de modifier plus aisément les usages des lieux.

Les Tombées de la Nuit sont un festival historique qui raconte une histoire avec des territoires de la ville de Rennes. Le spectateur est ici un maillon essentiel : il est complice ; les projets se font avec les habitants, en prenant le pouls de la ville. La ville de Rennes est vécue comme un terrain de jeu et le travail de Claude Guinard est de partager ce qu’il sait de son terrain de jeu avec des artistes.

Depuis un an, Les Tombées de la Nuit co-pilote avec la Ville de Rennes une proposition artistique et culturelle le dimanche : il s’agit là encore de questionner autrement la ville, cette fois-ci sur son rapport au temps.

L’éphémère et l’utopie, deux notions qui peuvent paraître éloignées des élus… et pourtant !

Jean-Luc Fichet comme Agnès Le Brun ont souligné l’importance du festival pour leur territoire. Si le festival est éphémère, certes, il offre la possibilité de vivre une explosion et une concentration sur un temps très réduit, source d’inspiration salvatrice. Et même éphémère, il reste durable dans nos mémoires ! Panoramas est un festival essentiel pour le territoire de Morlaix dont la problématique est de rester attractif, de faire venir des habitants, des créateurs, des ingénieurs, des intellectuels… Et les élus ont compris qu’ils ne pourraient y arriver qu’avec un projet culturel et intellectuel à proposer.

Etre organisateur d’un festival, c’est être un acteur culturel qui va poser des questions originales à la collectivité, les élu.e.s n’y sont pas préparés et peut-être osent-ils plus.

[1] Le SE/cW rassemble plusieurs structures (Wart, L’Entresort, La Salamandre) autour d’un projet de plateforme culturelle qui devrait s’installer dans la manufacture de tabacs à Morlaix.