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Résultats d’une enquête sociologique sur les violences sexistes et sexuelles en festival

La fête appartient-elle aux hommes ?

Stourm, mission de lutte contre le sexisme dans les musiques actuelles en Bretagne a réalisé une enquête inédite en France sur les violences sexistes et sexuelles en festival.

Dans quelles circonstances les violences sexistes et sexuelles se déroulent-elles en festivals ? Quelles sont les conséquences sur les victimes et victimes potentielles ? Quels sont les freins au signalement soulevés par les victimes ? Et quelles réponses proposent les festivals et associations spécialisées ?

L’enquête coordonnée par Stourm et déléguée au cabinet d’études sociales Les Petites Voix visait à mieux comprendre les mécanismes de ces violences en contexte festif afin d’outiller les organisateurices de festivals et les associations de prévention des violences sexistes et sexuelles.

Pour répondre à ces objectifs, les sociologues ont mobilisé des méthodes qualitatives : entre janvier 2023 et février 2024, elles ont mené 25 entretiens semi-directifs avec des femmes et personnes LGBTI+ ayant subi des violences diverses en festival, mais aussi avec des associations de prévention, des organisateurices de festivals et des sociétés de sécurités. Les sociologues ont également mené des observations de terrains sur quatre festivals bretons.

Cette enquête qualitative reste exploratoire, le panel étudié n’étant pas représentatif, mais il nous a permis de mettre en lumière des tendances, et d’ouvrir la réflexion sur plusieurs thématiques en lien avec les violences sexistes et sexuelles en festivals, et en milieu festif plus généralement.

De ce travail ressortent plusieurs enseignements :

  • L’enquête vient questionner le sentiment de liberté, le « lâcher-prise » souvent associé aux festivals, et recherché par les festivalier·es. Les festivals, perçus comme des espaces « hors du temps » n’en restent pas moins structurés par des rapports inégalitaires. L’enquête vient mettre en lumière les vécus des femmes et personnes LGBTI+ en festivals, les violences qu’iels subissent étant une entrave à ce sentiment de liberté pourtant recherché par toustes.
  • Les violences sexistes et sexuelles subies en festival ont eu des conséquences durables sur le corps et la psyché des victimes, conséquences que l’enquête a permis de détailler.
  • Les discours recueillis par les sociologues témoignent de l’« effet de menace », c’est-à-dire de l’impact que la peur des violences a sur les comportements des femmes, notamment en milieu festif. Les femmes et personnes LGBTI+ mettent en place de nombreuses stratégies d’évitement, qui sont mises en lumière par l’enquête : être en hypervigilance et planifier ses sorties pour ne pas se retrouver dans des situations identifiées comme « à risque » (bien organiser son retour par exemple), baisser la fréquence de ses sorties, privilégier des horaires précoces, être toujours en groupe, adapter ses tenues et son maquillage pour ne pas se faire remarquer, restreindre ses consommations d’alcool…
  • Les auteurs de violences mobilisent différentes stratégies pour exercer des violences : profiter de la foule, d’un statut d’« autorité » (bénévole, photographe…), isoler les victimes (spatialement et de leurs proches).
  • Les violences rapportées par les enquêtées sont commises exclusivement par des hommes. Par ailleurs, l’enquête met en lumière un ensemble de comportements d’occupation de l’espace physique et sonore par les hommes, ainsi que de sexualisation des femmes, qui contribuent au sentiment d’insécurité des femmes et personnes LGBTI+ en milieu festif. La plupart de ces comportements sont minimisés, présentés sous couvert d’humour.
  • Les auteurs de violences sont souvent difficiles à identifier en milieu festif, notamment en raison de la foule, de la fugacité des agressions. Cela renforce un sentiment de honte, de dépossession de soi car les victimes n’ont souvent pas la capacité de répondre directement à celui qui les a agressées. De plus, cela rend plus difficile pour les victimes de dénoncer les violences aux organisateurices car les auteurs sont rarement identifiés.
  • Les violences conjugales impactent l’expérience des violences sexuelles en milieu festif, et se déroulent parfois en festival. Pour plusieurs enquêtées, le contrôle imposé par des conjoints ou ex-conjoints se manifestait notamment sur les activités festives : interdiction des sorties, commentaires sur l’apparence et la tenue vestimentaire. Les sociologues ont également constaté des cas de violences conjugales en milieu festif. Ces violences sont souvent plus difficiles à prendre en charge pour les associations et les organisateurices (notamment car le couple rentre ensemble, et qu’il y a un risque de représailles pour les victimes dans l’espace « privé »).
  • Le sexisme a également été constaté dans des espaces présentés comme plus « familiaux » comme le milieu des musiques traditionnelles.
  • L’enquête a pu mettre en lumière les conditions de travail précaires pour les associations de prévention des violences sexistes et sexuelles en milieu festif, un secteur qui se structure et cherche à faire reconnaitre son expertise et sa légitimité.  
  • En matière de prévention des violences sexistes et sexuelles, les résultats de l’enquête indiquent qu’une bonne coordination entre structures de lutte contre les VSS, de réductions des risques, de sécurité et de secours est un facteur de réussite important pour les dispositifs mis en place.
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